Depuis quelques jours, le nouveau mot de trois lettres, “iel”, introduit dans ses pages web du dictionnaire « Le Petit Robert » est au cœur d’une vaste polémique qui dépasse largement le cadre de la langue française. Ce pronom qui serait apparu au début des années 2010, est, en réalité, une proposition issue de la communauté LGBT qui ne se sent pas représentée dans le système binaire des pronoms avec le “il” et le “elle”.
Roland Achille DIDE
Mais, aujourd’hui, la question qui se pose est de savoir si un dictionnaire, fut-il l’un des plus connus, à vocation à consacrer l’usage d’un mot en cédant à des pressions idéologiques?
Contraction de ”il“ et ”elle“ , le pronom personnel ”iel“ a été intégré par le Robert dans son dictionnaire numérique en octobre 2021 avec pour définition : «Pronom personnel sujet de la troisième personne du singulier et du pluriel, employé pour évoquer une personne quel que soit son genre». Mais, aussi discrète qu’elle soit, son entrée n’a pas manqué de susciter un véritable tollé. Cette polémique qui ne cesse d’enfler crée même des divisions au sommet de l’Etat français.
Pour Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’Éducation nationale, «l’écriture inclusive n’est pas l’avenir de la langue française». Cette déclaration n’a pas tardé à être contredite par la ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances, Élisabeth Moreno pour qui «c’est un progrès pour les personnes qui ont envie de se reconnaître dans ce pronom». La Première dame, Brigitte Macron, n’a pas manqué d’ajouter son grain de sel au débat, jugeant que deux pronoms, il et elle, étaient suffisants.
Ce qui est certain pour le moment, c’est le fait qu’aucun des deux pronoms ne convient pour certaines personnes surtout les militants du genre neutre qui ont donc proposé l’utilisation du pronom « iel« . D’ailleurs, il faut reconnaitre que son usage se répand doucement surtout au sein de la communauté LGBT.
Pour la Normalienne, agrégée d’anglais et Maîtresse de Conférences en linguistique à l’Université de Paris-Sorbonne, Julie Neveux, l’apparition du pronom « iel » résulte d’un usage militant qui prend racine dans une injustice sociale, ici perpétuée par la langue, ainsi qu’un manque de représentation et de visibilité d’un certain type de personne: « D’après l’expérience vécue par ces personnes non genrées, l’intégration du pronom « iel » résulte d’une avancée sociale, d’une réflexion sur ce qu’est le genre comme construction sociale et sur la langue comme système de représentation. Cela véhicule un certain découpage de la réalité qui jusqu’à présent se faisait seulement entre les hommes et les femmes ». Elle ajoute que «l’évolution n’est si grande que ça, c’est une nouvelle forme disponible qui va soulager la vie c’est à dire le sentiment d’appartenance et d’identité d’une certaine catégorie de la population qui n’est pas négligeable».
De ses explications on retient aussi que les lexicographes du dictionnaire « Le Robert » ont décidé d’inclure le pronom « iel » dans leurs pages numériques au mois d’octobre, un peu avant que la polémique ne prenne de l’ampleur. Ils se sont rendu compte que sur leur site, il y avait un certain nombre de requêtes inabouties, c’est-à-dire des locuteurs qui entraient dans le moteur de recherche le pronom « iel ». Ils «ont considéré que leur site est un service public, gratuit, accessible à tous et qu’il est important de répondre à ces requêtes et donc de définir « iel ». Il y a, par conséquent, une volonté de remplir la mission proposée par un dictionnaire en ligne accessible à tous et d’informer les autres d’un usage, certes minoritaire, mais néanmoins existant».
En attendant les prises de positions de plusieurs sachants non moins réputés de la langue française et surtout celle de l’Académie française, l’accord du pronom « iel » reste une affaire linguistique en cours. Comment décliner les conjugaisons qui vont permettre d’insérer le pronom dans une phrase ? Comment formuler les adjectifs avec ce nouveau pronom? Autant de questions qui risquent de susciter nombre de débats et de controverses.